CItroen 5 HP – Trèfle
Reconditionnement du petit moteur d’une Citroën 5HP – La Trèfle
Très petite voiture construite par la marque aux chevrons entre 1922 – 1926 à plus de 80 000 exemplaires. Le moteur est un 4 cylindres à refroidissement par eau, de 856 cm3, développant 12 cv pour une vitesse de l’ordre de 50 km/h.
Tour d’horizon du véhicule :
Le véhicule a subit une surchauffe majeure du bloc cylindre : le coup de grâce sur un moteur qui accusait une usure conséquente.
La décision de reconditionner le moteur est acceptée.
Désassemblage du moteur :
Il ne s’agira pas ici de proposer un didacticiel pour démonter cette vieille mécanique, mais de vous présenter quelques étapes et de découvrir l’état interne.
Le moteur avait été déculassé pour vérifier l’état après le serrage de la mécanique. On aperçoit que le bloc a déjà été ressuscité par la brasure. Un autre bloc sera nécessaire.
Pour séparer le bloc cylindre du carter inférieur, la dépose des poussiers et soupapes est nécessaire . C’est ainsi que l’on accède aux écrous cachés.
Le bloc extrait, les pistons apparaissent dans leur état hélas juste bon pour faire de jolis cendriers.
Désassemblage du moteur :
L’extraction du volant moteur va nous demander quelques heures compte tenu que cela fait plus de 90 ans qu’il est en place. L’état de la distribution engluée dans le cambouis et la calamine, laisse présager du reste du moteur. La bride de l’arbre à cames est brisée et de longue date. Disons qu’il tenait par la bienveillance du Saint Esprit !
L’embiellage baigne dans une bouillasse délétère.
Pour résumer, pistons hors service, cylindres usé avec fort talon, bloc cylindre fissuré et ressoudé (à remplacer) – coussinets palier et bielle à refabriquer et tout le reste à soigner comme nous en avons l’habitude, diverses pièces à remplacer par d’autres d’occasion et en meilleur état.
Reconstruction du moteur :
Avant de réaliser la métrologie, il faut :
- déshabiller le moteur,
- dégraisser l’entièreté des pièces, les passer aux ultra sons, puis les décaper par brossage mécanique.
Une fois le tri des pièces réalisé, il faut trouver et acheter celles d’occasion qui ne sont plus disponibles en neuf comme le bloc cylindre, l’arbre à cames et qui demanderont un nouveau nettoyage. Les pièces prêtes viennent prendre place sur la table du Grand Maître ! C’est alors que la magie peut opérer. J’aurais pu dire « et la bobinette cherra », mais j’ai un peu une indigestion de lecture du Petit Chaperon Rouge à ma petite fille en ce moment. (Noélie, quand tu seras assez grande pour lire, tu comprendras. Entre temps je t’embrasse).
Reconstruction du moteur :
Il s’agit d’un moteur d’avant-guerre. Sa conception est très archaïque par rapport à ceux des années 50′ et surprendra le mécanicien peu habitué à ce type de construction. Sur la 5HP, les pièces sont de petites tailles, avec beaucoup de taraudage dans un carter en aluminium fragile. La technologie du haut moteur est à soupapes latérales. Les pièces sont très difficiles à trouver lors qu’il ne s’agit pas de pistons ou de pochette de joints. Le remontage de ce genre de mécanique va demander des travaux supplémentaires, tant les pièces peuvent être usées.
En fonction du nouveau bloc moteur (occasion), la côte de réalésage est déterminée. Les pistons sont commandés en conséquence. Le travail est réalisé, pistons en main pour déterminer le jeu final.
Le vilebrequin est passé en magnétoscopie. Il est indispensable de s’assurer de l’absence de fissures. Les travaux d’usinage et de rectification commencent par ceux du vilebrequin. Les nouvelles côtes sont en rapport avec les coussinets en ébauche. A partir de cela, les coussinets sont rectifiés et ajustés aussi bien pour la ligne d’arbre que ceux pour les manetons de bielle. Le travail est long et méticuleux.
Reconstruction du moteur :
On parlait de travaux supplémentaires …
Ce pauvre et vaillant petit moteur a, dans sa vie jadis, coulé une bielle. L’intérieur du carter porte encore les stigmates du combat qui a sévi.
L’impact est apparu après décapage, sur le flanc du carter. La croix qui n’est autre que les 4 fissures, montre l’endroit. Par expérience, je ne soude plus les aluminiums de ces époques. Les nuances se sont tellement dénaturées et les pores du métal remplis de saletés que les travaux de soudure ne font qu’agrandir la zone de fissuration.
Alors pour sauver la pièce, je crée une sorte de « gel coat » en appliquant deux couches d’époxy sur les parois. Cette opération a aussi l’avantage de réduire l’accroche des calamines et boues de lubrification sur les carters, comme le produit « Festinol ».
Reconstruction du moteur :
La pompe à huile :
Pour ce moteur, elle est très petite et fait partie intégrante du palier arrière. Elle est constitué d’un rotor à 2 palettes. La force centrifuge plaque les palettes vers la chambre du carter et oblige l’huile à sortir par les canaux prévus à cet usage. Un soin tout particulier doit être accordé pour garantir sa fonction essentielle de lubrification des organes sensibles comme ligne d’arbre, arbre à cames, distribution. La lubrification des bielles est assurée, non pas par la pompe à huile mais par l’écopage direct dans le carter inférieur. Les écopes sont placées sur les chapeaux de bielle, dirigés vers le bas et ouverture orienté dans le sens de rotation.
Reconstruction du moteur :
Embiellage :
Les 2 paliers arrière et les coussinets de bielle sont en bronze. L’ajustage à partir de modèle usiné en cote d’ébauche demande beaucoup de temps d’ajustage pour obtenir une rotation libre et sans jeu anormal. Il en dépend de la durée de vie du coeur du moteur.
Ma méthode, compte tenu de l’expérience avec ces moteurs dit d’avant-guerre et de cette technologie, consiste à s’assurer au fil du remontage que chaque bielle tourne librement après serrage. Note importante, le serrage n’est pas au couple, mais au jugé manuel . Ce qui signifie qu’il faut apprécier au fur et à mesure le résultat que l’on obtient. Globalement, en montant la bielle avec ses 2 demi coussinets en bronze, que les écrous de chapeau sont juste au contact, la bielle tourne mais an « collant ». Elle ne frotte pas , mais semble être en partie retenue. En serrant par palier et à la main, elle va se libérer , jusqu’à obtenir une rotation totalement libre. En continuant de serrer, la bielle perdra de sa liberté. Le serrage ne sera pas vraiment identique des unes aux autres. Grosso modo, l’ordre d’idée est un serrage aux environs de 1.5 m.kg. Ce qui est très faible par rapport à un simple moteur de 4 cv Renault.
Reconstruction du moteur :
Pistons/bloc cylindre :
Comme habituellement, tous les segments sont déposés des pistons. Le jeu à la coupe de chacun est vérifié dans les cylindres. Encore une fois j’ai dû retoucher certains d’entre-eux en suivant les prescriptions du fabricant des pistons que je fournis et non pas celles de la Revue Technique.
Le remontage des pistons sur les bielles restent une partie délicate. Sur un moteur à coussinets minces, la méthode est d’équiper le piston avec sa bielle, de le glisser dans le cylindre et de monter le chapeau de bielle au couple de serrage. Ici, comme expliqué précédemment, le serrage est au jugé en appréciant la liberté de la bielle sur le maneton. Or une fois le piston dans le cylindre, la friction ne permettra plus d’apprécier avec suffisamment de précision si le serrage du chapeau ne contraint pas la bielle. Certains diront que je m’embête, mais qu’à cela ne tienne, je préfère contrôler le remontage de chaque pièce que rester dans le doute et risquer une avarie.
Ma méthode, transmise d’un ancien mécanicien consiste à monter les pistons avec leur segments dans le bloc cylindre, de les orientés pour respecter leur sens de rotation, puis de suspendre le bloc cylindre à un treuil au dessus de la partie basse du moteur.
Ensuite, j’accouple les pistons en glissant l’axe au travers de la bielle et je verrouille la vis de blocage. Autant dire qu’il faut être deux, avoir des doigts de fée et une grande patiente. Mais même avec des pistons de 56 mm de diamètre, il est possible de le faire en 2 heures.
Reconstruction du moteur :
Arbre à cames et distribution :
Les têtes de réglage des poussoirs sont rectifiées. Ce n’était pas du luxe ! Les poussoirs sont mis en place après la pose du bloc cylindre, mais avant l’arbre à cames. Enfin, certains ont essayé de le monter après, mais ils ont eu des problèmes. 😉
Reconstruction du moteur :
Arbre à cames et distribution :
L’arbre à cames est monté sur des paliers à excentrique. Ils étaient malins nos Anciens ! Il faudra donc bien veiller à orienter celui côté volant moteur, et ajuster celui côté distribution grâce au trou oblong pour obtenir une rotation libre.
Comme toute pièce mécanique mobile, elle doit être libre mais avec un certain jeu. J’en profite pour régler le jeu latéral de l’arbre à cames, grâce aux rondelles derrière le pignon principal.
Reconstruction du moteur :
Calage de la distribution – Attention aux habitudes !
La distribution se cale avec les repères. A défaut de repères : « Facile ! diront certains. Tu cales à la balance du cylindre 1 lorsque son piston est pile poil au PMH ». Eh bien non ! Ce petit moteur n’a pas une distribution centrée au PMH. Donc en l’absence de repères il faut lire soit ceux sur le volant moteur (s’ils existent), soit poser un disque gradué sur le vilebrequin. D’ailleurs, si vous avez un jour l’occasion de placer un disque, de comprendre les termes AOA – RFA – AOE – RFE, et leur effet mécanique, le principe du moteur à 4 temps prendra un tout autre sens pour vous.
Reconstruction du moteur :
Renvoi d’angle pour l’entrainement de la dynamo :
Quelle complexité, pour une simple transmission à l’équerre. Mais, tout est réglable et c’est la beauté du travail de nos anciens.
Grâce à un moteur donneur de pièce, j’ai pu reconstituer un ensemble propre qui reçoit deux roulements neufs.
Reconstruction du moteur :
Dernier coup oeil à l’intérieur avant de refermer le carter.
- – présence du capillaire de graissage = OK,
- – bonne orientation des écopes de bielle par rapport au sens de rotation du moteur,
- – aucune bielle plaquée contre un côté du piston,
- – tout est serré,
- – pas de trou laissé libre,
On peut poser la grille de protection et le carter.
Reconstruction du moteur :
La fermeture du bloc moteur se fait en posant un joint de culasse en cuivre. Pour ces types de joints, nous utilisons une pâte goudronnée (disponible dans notre boutique de commande en ligne). Les goujons sont montés de neuf. Le serrage se fait avec les couples standard pour du filet M8.
Réservoir d’essence :
Une fois que le moteur était de nouveau en place, nous avons eu le plaisir de constater que le réservoir s’était mis à fuir. Nous aurions préféré que celui-ci fasse parler de lui, bien avant, mais comme très souvent, lors de remise en route, les défauts apparaissent au fur et à mesure des kilomètres.
Les fuites proviennent du rivetage des fixations latérales. Avec le temps les rivets sont devenus lâches et l’étanchéité a cédé.
La difficulté vient de la fabrication du réservoir qui est soudé à l’étain. Souder sur une zone , risque fort de fonder l’étain et de créer d’autres fuites.
Cependant, grâce à la compétence de notre soudeur, le réservoir est de nouveau solide et étanche.
Nous profitons de cette intervention pour monter un robinet de moto, plus récent certes, mais étanche !
Boîte de vitesses :
C’est au tour de la boite de vitesses de générer des vibrations insupportables. Le diagnostic est rapidement fait : un jeu anormal en sortie d’arbre fait trembler le tube de poussée. Il faut la déposer et l’ouvrir.
Après une nouvelle dépose de la boîte (on commence à avoir l’habitude), la boite est déshabillée. Le montage respecte la tradition des mécaniques d’avant-guerre. La dépose de la flasque de freinage montre que le porte roulement a beaucoup de jeu dans le logement du carter.
Deux solutions se présentent :
– méthode de Jojo-la-bricole de faire un ou deux tours de Chaterton sur le porte roulement et l’enfoncer au marteau,
– baguer le carter.
Par respect des droits à la propriété intellectuelle de Jojo, nous préférons une réparation sérieuse.
Boîte de vitesses :
C’est après une métrologie efficace que nous constatons que l’alésage du carter est resté cylindrique (ce qui est surprenant). L’usure est restée proprement circulaire ce qui permet d’être certain du centre de rotation de l’arbre et donc de son jeu de denture avec l’autre train de pignon. Notre réparation va consister à fabriquer un porte roulement légèrement plus grand en cote extérieure et la fourniture d’un nouveau roulement.
Nous en profitons pour usiner de nouveaux paliers sur la commande par pédale.
Finalisation et essais :
Un nouveau flector est placé en sortie de boite de vitesses. On restera admiratif devant la prise de mouvement pour entraîner le câble de compteur. Il s’agit bien d’une courroie en cuir (comme celle des machines à coudre Singer). C’est mécaniquement logique, même si un simple renvoi d’angle ou prise sur la boite de vitesses aurait suffit. Mais cela fonctionne !
Essais routier :
Le moteur est en rodage. L’ordre des pédales est déstabilisant car l’accélérateur est au milieu des trois et le frein à droite. Le passage des vitesses se fait sans synchro, mais ne pose pas de problème pour peu qu’on monte un rapport lentement. A la redescente, il faudra relancer le moteur pour aider l’engrènement des pignons. Le frein de service est sur le tambour unique en sortie de boite de vitesses. L’efficacité est faible même si cela permet de conduire sans problème. Se tenir loin des autos et anticiper seront les bons réflexes à avoir.
La direction manque de précision sur ce véhicule. Il s’agira sûrement d’autres phases de travaux et la sellerie demande une réfection sérieuse tant le dossier conducteur est déformé.
Sur route, je limite la vitesses à 38/40 km/h (au GPS) soit 50 au compteur pour permettre un bon rodage du moteur. Le bruit est agréable et l’accueil du public est chaleureux.
Un petit véhicule amusant, témoin d’une époque lointaine, mais où les êtres humains avaient plus de place au milieu de la technologie naissante.