Reconditionnement moteur 6 cylindres Dodge
Moteur 6 cylindres à soupapes latérales Dodge :
Le DODGE T 214 était destiné à équiper les véhicules militaires 4X4 (la version T 223, identique au T214 motorisait les 6X6 ).
Ces moteurs sont des 6 cylindres en ligne fonctionnant à l’essence et de technologie à soupapes latérales. Mis au point pour la « CHRYSLER SIX « est donc un dérivé du moteur CHRYSLER.
D’une cylindrée de 3780 cm3 , il développe 93 CV à 3200 tr/min. Equipé d’un carburateur ZENITH ou CARTER , sa consommation moyenne est de 29 l/ 100 km. On parle bien ici de kilomètres parcourus et non de km/h. En 6 ou 12 volts (suivant les véhicules) , il fut produit de 1942 à 1945 et motorisa environ 300.000 véhicules militaires 4×4 et 6×6 confondus .
Ce dossier vous présente en images les étapes du reconditionnement en profondeur de ce moteur.
Techni-Tacot doit réaliser les opérations suivantes de restauration :
- désassemblage complet, dégraissage décapage et métrologie
- rectification vilebrequin ou remplacement à neuf,
- réalésage cylindres, montage pistons neufs,
- rectification des toutes les pièces d’usure,
- modification fixation démarreur sur carter embrayage,
- montage allumage électronique ou module d’assistance.
Désassemblage et constatations :
Notre client nous a livré un moteur reconstitué avec les pièces qu’il souhaite pour respecter le plus possible la configuration d’origine.
Le moteur avait été rempli de dégrippant pour simplifier la dépose de l’embiellage et de la distribution.
Un embrayage neuf a été fourni. Il est dommage que malgré le travail de rectification du plateau, le carter n’ait pas été décapé puis passé en peinture. Visuellement, cela change tout.
Le moteur est en premier lieu débarrassé de ses périphériques, puis de la culasse et de l’imposant collecteur en fonte. Le but étant de soulager la manipulation du bloc lors de la dépose des soupapes et de l’embiellage. L’accès au haut moteur montre le très mauvais état des cylindres.
Après dépose du carter d’huile, les canalisations d’huile sont extraites pour éviter de les endommager.
Désassemblage et constatations :
L’embiellage est déposé. Les coussinets de bielle montrent que le revêtement se désagrège en plaque. Cette détérioration s’est produite en grande partie pendant l’immobilisation du moteur car on retrouve les bouts du revêtement anti friction sur le vilebrequin (photo 1). Ceci explique pourquoi il est très risqué de redémarré un moteur immobilisé longuement sans l’avoir ouvert pour contrôle. Même si celui-ci n’est pas bloqué, le simple fait que les coussinets ont perdu leur nature va autoriser le redémarrage mais entrainer très rapidement la rupture d’une liaison bielle/vilebrequin, autrement dit, une bielle coulée, ou un palier coulé. Cet état de sommeil a des effets aussi sur le gommage des segments qui peuvent se briser au redémarrage, sans que vous ne vous en aperceviez. C’est pour ces raisons, que je conseille de démonter un moteur immobilisé pour à minima contrôler l’état des pièces, les nettoyer et prendre les décisions qui pérenniseront la mécanique.
Désassemblage et constatations :
Une fois l’embiellage déposé, nous nous occupons des soupapes.
La dépose nécessite une pince à soulever le ressort. Il faut s’armer de patience pour dégager les demi clavettes lorsqu’elles sont collées par la rouille.
On note au passage un ressort cassé (photo 2)
Une fois les soupapes déposées, pour surfacer le plan supérieur du bloc moteur, il est impératif d’extraire les goujons. La partie n’est pas facile, mais aucun goujons ne sera cassé. Par contre, nous les remplacerons obligatoirement car l’extraction les a fortement marqués.
Préparation des pièces avant travaux d’usinage :
Pour prendre les décisions qui concernent les travaux d’usinage, la conservation ou le remplacement des pièces, il est indispensable de dégraisser, nettoyer, décaper toutes les pièces. Le travail est chronophage et ingrat mais il est incontournable. A partir de celui-ci, la métrologie permettra d’apprécier les travaux à réaliser.
Voici quelques éléments décapés jusqu’au métal nu.
Remplacement par des pièces neuves « stock armée » :
L’avantage pour des véhicules de l’armée française, c’est l’existence encore à l’heure actuelle de stock de pièces neuves. Certes les stocks s’amenuisent, mais on trouve encore des pièces apparemment intéressantes. Cependant tout n’est aussi merveilleux que dans le monde de Walt Disney.
Regardons ensemble de plus près :
– La segmentation est en effet neuve mais dois avoir à ce jour bien 60 ans. Lorsque j’ai essayé de monter les segments , ceux-ci cassent comme du verre. Je ne saurais dire s’il s’agit d’une mauvaise qualité en tant que pièce de remplacement ou de la détérioration de leur propriété élastiques lors de leur stockage. En tout état de cause, direction le tas de ferraille d’autant plus que la conception des racleur d’huile est grossière à mon goût.
– la poulie de vilebrequin. Voilà une belle pièce neuve qui va remplacer celle d’origine, voilée. Il n’en sera rien car son moyeu est fêlé. Comment est-ce possible sur une poulie qui n’a aucune trace de montage. Vous connaissez la punition : direction le tas de ferraille !
– Les soupapes. Neuves elles sont, mais 2 d’entre elles ont été mal stockées et ont subi la corrosion sur 2 zone critique. Pour les sauver, nous tentons une rectification. Il y assez de matière, les soupapes ressortent légèrement amincient mais tout à fait dans les cotes. Elles échappent au tas de ferraille pour un prix minime.
Remplacement par des pièces neuves « stock armée » :
Certaines bielle du moteur ont des marques anormales de friction. Cela ressemble au grippage de coussinets lorsqu’une bielle manque de lubrification et que le coussinet tourne dans son logement. De plus, les 6 bielles sont issues de fabrication différente. A mon avis ce moteur a eu des misères dans sa vie !
Je propose à notre client de remplacer les 6 bielles qui comportera un jeu de 3 aux numéros pairs et son jumeau avec les numéros impairs.
Lors du déballage du colis contenant les 6 bielles dites New Old Stock, je ressens la passion d’avoir découvert les ossements d’un pharaon encore inconnu. Bref, il nous faudra plus de 4 heures pour déballer, dé momifier, sortir du sarcophage gras et cireux les précieuses pièces de l’équipage mobile !
Reconstruction du moteur Dodge 6 cylindres en ligne :
Maintenant que toutes les étapes abominablement sâles sont terminées, je relève les manches pour les étapes passionnantes de la reconstruction. Les pièces sont disposées sur la table de travail du chef. Je profite d’être aussi le rédacteur pour m’accorder le titre le plus rempli d’humilité : sublimissime Grand Maître ! On peut constater que « sa grandeur » a pris soin de réaléser les fûts et de rectifier les sièges de soupape après le remplacement des guides. Le vilebrequin est issu d’un stock rénové , en 1ère cote. La confiance n’excluant pas le contrôle, un coup de micromètre sur paliers/manetons atteste que le travail est correct en tout point.
Trêve de plaisanterie il va falloir remonter tout ça et d’obtenir le fonctionnement.
Première chose, les bouchons du canal d’huile. Alors là, vu que ceux d’origine ont fait les rebelles, je dus les convaincre avec la perceuse et de bons forêts affutés. Le match fût court et le résultat, vous vous en doutez : Bouchon 0 et moi 1 ! Si vous les cherchez dans le commerce, armez vous de patience, de mon côté, je n’ai rien trouvé. Mais qu’à cela ne tienne, maintenant que je suis équipé de nouvelles machines, je n’ai pu résister à l’envie de débiter du barreau d’aluminium et d’usiner 2 pièces coniques, avec filetage whitworth, svp ! Je suis assez fier du résultat.
Donc, montage de ceux-ci avant tout car avoir oublié un bouchon de canal d’huile après avoir terminé le remontage, engendre souvent une forte contrariété.
Le vilebrequin retrouve des coussinets de paliers neufs. Le système d’écope côté volant est positionné avec les 2 pièces de caoutchouc pour terminer l’étanchéité arrière. La pièce massive est serrée au couple et on passe à la suite.
Contrôle jeu embiellage et pesée bielles/pistons :
Les bielles sont appariées aux pistons par pesée. Ce n’est pas très long et cela réduit le différentiel de poids entre les équipages mobiles. Ainsi on obtient un moteur plus régulier.
Comme vous l’avez compris, les contrôle sen tout genre font partis intégrante du bon remontage de la mécanique. Ils sont à prendre ne compte dans le temps nécessaire pour vérifier. Ici, même sur un vilebrequin rectifié, mon,té avec des coussinets neufs, je vérifier par calibrage, le jeu avec les chapeaux serrés au couple. Cela coute du temps, mais au moins si un problème apparaissait lors de la mise en route, je saurais ce qui a été validé.
Montage bielles – pistons :
Encore une fois, je mets en garde l’utilisation des pièces dites NOS (New Old Stock), c’est à dire des pièces neuves issues de stock anciens. Le risque provient d’un mauvais stockage, de l’altération des performances des matériaux due au mauvais stockage et à la durée. En l’occurrence, les segments fournis avec les pistons ne pouvaient être montés : l’acier est devenu cassant comme du verre. De plus leur conception laisse vraiment à désirer. Nous fournissons un jeu neuf actuel et de très bonne fabricant. Une photo de comparaison permet de constater le mauvais acier brut de couleur métal et les nouveaux, dont les usinages sont plus précis, homogènes et dotés de chanfrein pour mieux racler l’huile. Comme pour chaque moteur, tous les segments voient leur jeu à la coupe contrôlé : c’est long, mais c’est plus rationnel et rassurant.
Très souvent je préfère monter les ensembles bielle-pistons avec un bloc moteur vertical. Ainsi je peux faire tourner le vilebrequin et m’assurer d’une rotation normale.
Une fois le moteur embiellé, le positionnement des pieds de bielle est vérifié. En aucun cas, le pied de bielle doit toucher un des côtés du piston.
Les pièces maitresses sont serrées au couple et une touche de peinture valide le travail.
Note importante, la crépine de pompe à huile est flottante. C’est à dire qu’elle suit le niveau supérieure de l’huile par flottaison. Vous devrez vérifier que l’articulation est parfaitement mobile. Au cas où elle ne reviendrait pas parfaitement en position basse, la pompe déjaugera et la pression d’huile tendra vers le zéro, au risque de couler u embiellage. (Je dis ça, je dis rien !)
Distribution – Pompe à huile :
Une distribution très solide dont le calage est enfantin. Pour se tromper, il faut vraiment le faire exprès. Cependant, on a déjà vu des pignons dont la gravure étaient fausse. Donc article 712 : « la confiance n’exclut pas le contrôle » , cela ne coute rien de vérifier que la bascule des cames est bien centrées lorsque son piston est au Point Mort Haut.
Pompe à huile : grand moment d’usinage. D’ailleurs le manuel militaire lui consacre pas moins de 10 pages. Gare à celui qui délaisse sa remise en état.
Voici quelques photos pour montrer le travail d’usinage et de rectification.
Remontage des soupapes :
Le bloc moteur est remis en position horizontale. Les guides du bloc moteur ont été remplacés, les sièges rectifiés ainsi que les soupapes. S’il vous plait, oubliez le rodage des soupapes. Allez vers une vraie rectification qui évitera d’associer une forme émoussée d’une soupape avec sont sièges usé. Certes cela permet de retrouver une étanchéité mais pour combien de temps ? De plus la porté conique est faussée, la soupape n’est en contact avec le siège comme cela a été calculé, les angles d’attaque sont faussées . Bref que des déboires !
Le réglage des soupapes est fait à cet instant pour profiter de l’absence du collecteur. Croyez moi, c’est beaucoup plus facile de cette facile.
Embrayage – fermeture du bloc :
Un nouveau mécanisme en provenance d’un stock armée est monté. Pour ce type de pièce, à partir du moment où le stockage a été bien réalisé, on peut avoir confiance. Je regrette juste que certaines pièces soient de couleur brune, malgré la protection grasse.
Le haut moteur reçu un joint de culasse neuf enduit de pâte goudronnée (sur notre boutique), posé sur un plan de joint rectifié comme pour la culasse en fonte.
Il est maintenant temps de s’intéresser aux accessoires périphériques …
Allumeur :
Un démontage règlementaire est appliqué. Nous allons jusqu’aux masselottes. L’appareil est en bon état général mais accuse son âge. Celui-ci est passé au banc. Puis laqué pour un nouveau service normalement sans faille.
Modification carter d’embrayage :
Qui a déjà travaillé sur un de ces moteur Dodge, se souvient de l’incompréhension face au système alambiqué (et je reste poli) du concepteur de l’époque. En fait il est impossible de sortir le gros carter sans déposer le mécanisme d’embrayage et le volant moteur. La cause : 2 centreurs montés sur le bloc moteur (que l’on ne peut pas extraire tant que le carter est en place) qui empéche de le faire glisser vers le bas. Un truc de malade qui empoisonne la vie des mécaniciens.
Aussi, à la demande de notre client, nous usinons un alésage précis sur des vis M16 vis à pans creux sans tête. Le bloc moteur est taraudé en M16 aussi, et le tour est joué. Ainsi cela permet leur extraction en les dévissant alors que le carter est en place. Elle est pas belle la vie ?
Démarreur :
Un démontage règlementaire est appliqué.
Décapage, dégraissage, rectification de l’induit, remplacement des balais, contrôle des paliers (remplacement si nécessaire. Remontage mise en peinture, et essai.
Dynamo :
Comme pour le démarreur, décapage, dégraissage, rectification de l’induit, remplacement des balais, contrôle des paliers (remplacement du roulement côté poulie). Remontage mise en peinture et essai sur banc et ensuite sur le moteur.
Remise en état collecteur :
Le bloc collecteur d’admission et d’échappement est en très mauvais état. C’est hélas une pièce que nous ne pourront pas retrouver en neuf. Les deux éléments sont séparés, le divorce temporaire se passe bien.
Les plans de joints sont très corrodés, le mécanisme bloqué. Celui-ci est tronçonné au Dremel, puis extrait après chauffage et chocs très modérés. Molto précauzione, comme dirait l’autre !
Ensuite la fraiseuse fait sont affaire et permet de retrouver des contacts parfaits, une ligne d’axe comme il se doit. Une journée pour ce « simple » travail !
Remise pompe à essence et carburateur :
Pour ces deux pièces, prévoir du temps, car le carburateur est bien plus compliqué qu’un Solex 32 PBIC pour Traction et la pompe à essence dispose de 6 clapets !
Remontage des organes périphériques :
L’équipement de ce 6 cylindres reste sophistiqué pour son âge de conception. Tringles, ressorts, canalisations, système de mise à l’air libre protégés, éléments passifs le composent.
Les assemblages sont robustes , rien n’a été laissé au hasard. Ce moteur mérite sa réputation de solidité et d’endurance. Cependant, au bout de plusieurs décennies d’utilisation et souvent sans entretien sérieux, ces moteurs ont rendus leur derniers soupirs.
L’ensemble présent un bel aspect et donne envie de l’entendre fonctionner
Démarrage sur banc – Vidéo :
A la demande de notre client, le moteur est placé sur un socle et reçoit un silencieux et son circuit de refroidissement.
(Sur la vidéo certaines pièces n’avaient pas encore reçu leur teinte définitive).
Le moteur est équipé de son manomètre de température et de pression d’huile. La vidéo a été prise alors que le moteur était en température. C’est ainsi que l’on s’assure de la bonne pression d’huile, de son refroidissement adéquat, de l’absence de bruit suspect.
Le démarrage est sans reproche. Le 6 en ligne émet un bruit très doux et des accélérations fluides, sans à-coups. Malgré un montage sans silentbloc, les vibrations sont très faibles. L’appariement bielles pistons par pesée est toujours profitable pour la mécanique mobile. La ligne d’arbre aurait pu être équilibrée mais sur des conceptions aussi massives et rustiques, avec des blocs en fonte, l’amélioration en rapport du coût supplémentaire est peu mesurable. Il vaut mieux réserver son budget pour des moteurs plus véloces, moins lourds, sur lesquels les vibrations apparaitront beaucoup plus en cas de déséquilibre.
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